Des liens à réinventer entre les générations

Citation :: Des liens à réinventer entre les générations

ETUDE. Une société où les enfants participeraient davantage aux décisions les concernant? Des adultes capables de faire confiance aux jeunes? Premières conclusions et propositions d'une étude scientifique présentée hier.

Florence Gaillard
Mercredi 27 juin 2007
Rubrique: Société

Le PNR 52 n'est pas un astéroïde. C'est le nom d'une recherche multidisciplinaire menée à l'échelle nationale, portant sur la situation des jeunes et des enfants en Suisse.

Financée à hauteur de 12 millions par le Fonds national de la recherche scientifique (FNS), l'étude a mené à terme 29 projets et sujets spécifiques, convoquant psychologues, sociologues, économistes. Elle ambitionne de fournir des pistes à un «débat dans la cité»: Quelle place en Suisse pour les plus jeunes dans le corps social? Leurs droits sont-ils défendus? Les premiers résultats de cet ambitieux projet, qui a mis l'accent sur l'opinion des jeunes et leurs souhaits de changements, sont désormais à la disposition des pouvoirs publics et des milieux professionnels, sous forme d'agenda politique. Pasqualina Perrig-Chiello, professeur de psychologie à l'Université de Berne et présidente du groupe de pilotage du PNR 52, en livre les éléments saillants.

Pasqualina Perrig-Chiello: Deux éléments ressortent de l'étude. L'un est que les enfants en Suisse grandissent dans des conditions très différentes et que certains sont toujours clairement défavorisés. L'autre est que les adultes, malgré l'intérêt porté à leurs propres enfants, n'accordent qu'une confiance limitée aux jeunes générations. Nous souhaitons encourager les politiques et les adultes à considérer les plus jeunes comme des interlocuteurs à part entière.

- La Suisse fait-elle moins bien que ses voisins?

- La comparaison détaillée par pays fera l'objet d'un second dossier dans un an. Ce qui est sûr, c'est que la Suisse doit repenser la place qu'elle accorde à ses jeunes; inventer de nouvelles formes de liens entre générations, liens souvent éclatés, voire inexistants. La participation des enfants et jeunes aux processus les concernant - placements en famille d'accueil, décision interne à l'école ou aménagement d'une place de jeu, par exemple - n'est pas acquise chez nous. Or cette participation est un droit fondamental, écrit dans la convention des droits de l'enfant adoptée par l'ONU. La Suisse l'a signée, mais a été «grondée» pour sa piètre mise en pratique.

- Concrètement, comment faire participer les enfants à la vie publique? En leur donnant le droit de vote? - Pas forcément. N'empêche, il y a là un cercle vicieux: on prétend que les jeunes ne s'intéressent pas aux enjeux collectifs, mais on leur donne très peu l'occasion de s'y engager... Concrètement, commençons alors par mieux former ceux qui les côtoient. Exemple: l'enfant doit légalement être écouté par un juge lorsque ses parents divorcent. Ça ne se fait pas, ou très peu. Parce que les juges, de leur propre aveu, ne sont pas compétents ou n'ont pas le temps. Voilà qui devrait changer. Même chose à l'école: pourquoi ne pas imaginer des médiateurs choisis parmi les élèves. Ne sont-ils pas aux premières loges pour entrevoir les problèmes ou formuler des besoins? L'école pourrait aussi insister sur les droits des enfants et susciter des réflexes de défense, contre la violence familiale par exemple. Enfin, il faut s'adresser aux parents: promouvoir, sans s'immiscer dans la famille, une éducation participative et démocratique, dont on sait - c'est un objet de notre étude - qu'elle favorise le développement de l'enfant, bien mieux que le laisser-faire ou les modèles autoritaires, plus fréquents dans certaines familles migrantes. Faire évoluer les mentalités passe par la création de lieux de dialogue, d'aide, l'apprentissage par les parents de la langue du lieu de vie.

- Vous soulignez les inégalités face au système scolaire, les difficultés propres à des milieux défavorisés financièrement et/ou migrants. Fallait-il vraiment une nouvelle étude universitaire pour redire ce que tout le monde sait?

- Certes, on le sait. La nouvelle est que malgré beaucoup d'efforts, les inégalités demeurent! L'étude de l'économiste Yves Fluckiger montre aussi que les échelles de mesure de la pauvreté sont à réévaluer.

- Au-delà des chiffres, le PNR 52 vise un remodelage global des rapports entre générations?

- Absolument. Les adultes agissent souvent comme si les jeunes n'avaient rien à dire de valable. En Suisse, on pense sans y réfléchir que «les droits de l'enfance» concernent les petits Africains, mais pas «nos» enfants! Tout le lien entre enfants, parents, personnes âgées devrait être repensé. Les nouvelles technologies sont faciles d'accès pour les très jeunes, pourquoi ne les enseigneraient-ils pas à des retraités? Qui eux, serviraient de mentors à des jeunes?

© Le Temps, 2007.

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